Justices Madeleine Saint Léonard

Au début du xxe siècle, n'existait au sud-est d'Angers qu'une urbanisation linéaire, en longs tentacules parfois discontinus accolés aux axes routiers menant de la ville aux villages de la banlieue ardoisière (Saint-Léonard, sur le territoire communal d'Angers; la Pyramide, principal quartier de Trélazé) et de la banlieue ligérienne (Saint-Aubin des Ponts-de-Cé). Cette urbanisation avait profité de la mise en service, à partir de 1898, de deux lignes de tramways électriques reliant la place du Ralliement, au centre d'Angers, d'une part à la Pyramide et au bourg de Trélazé, d'autre part aux Ponts-de-Cé et à Erigné.

Non loin des ardoisières, qui constituaient le principal bassin d'emploi, se développèrent à côté d'anciennes maisons rurales d'interminables faubourgs ouvriers, formés de modestes maisonnettes à un seul étage ou même à simple rez-de-chaussée, flanquées d'un petit jardin potager. Sur l'axe principal, celui de la Pyramide, les petits noeuds routiers de la Madeleine et des Justices devinrent des centres commerciaux de quartier relativement actifs. Dans la partie la moins éloignée du centre-ville, à proximité de l'Université catholique de l'Ouest, le bâti, assez dense et d'aspect plus bourgeois, surtout entre la rue Saumuroise et la rue Volney, constituait une sorte de prolongement du quartier péricentral Bressigny, mais très aéré sur ses franges par de vastes emprises ecclésiastiques, universitaires et sportives -UCO, École supérieure d'agriculture, communautés des Augustines (avec clinique) et de la Retraite, École normale de garçons, Institution Mongazon, stade Bessonneau (aujourd'hui stade Jean-Bouin)...

Dans les vastes angles morts, entre les radiales routières, s'étendaient de fertiles terroirs mis en valeur de façon intensive par les horticulteurs angevins : cultures florales et maraîchères, pépinières.

L'habitat en maisons rurales dispersées y était desservi par un réseau assez serré de chemins. Pendant l'entre-deux-guerres, puis dans les années 1950, ces chemins de desserte commencèrent à se muer en rues transversales bordées çà et là de petits lotissements: Villechien, le Haut-Pressoir, Villesicard ... et en avant-poste de l'urbanisation, près de la limite des Ponts-de-Cé, le double alignement d'assez belles maisons particulières du boulevard Detriché, sans oublier, aux confins de Trélazé, la cité ardoisière de la rue Parmentier.

C'est seulement à partir des années 1960 que le prolongement du boulevard périphérique sud par de nouveaux tronçons de la route des Ponts-de-Cé, elle-même rectifiée et élargie, à la route de Trélazé, puis de celle-ci à la rue Saint-Léonard a entraîné une restructuration et une urbanisation progressives de tout le secteur traversé; construction de petits ensembles d'immeubles résidences, édification du siège du Crédit agricole de Maine-et-Loire, agrandissement du complexe sportif Jean-Bouin...

Dans le quartier de la Madeleine, les immeubles résidences se sont aussi multipliés le long de la rue Chèvre et, plus au sud, en bordure de la nouvelle route des Ponts-de-Cé (avenue de Lattre-de-Tassigny). Cette urbanisation a eu pour corollaire la démolition ou la rénovation d'un certain nombre de maisons rurales traditionnelles et l'éviction progressive des horticulteurs et des pépiniéristes, contraints à la délocalisation dans la vallée de l'Authion.

Une urbanisation qualitative

En 1968 cependant, malgré un certain embourgeoisement du quartier de la Madeleine, l'ensemble des trois quartiers du sud-est reste encore majoritairement un secteur d'habitat populaire avec, parmi les actifs, plus de 41% d'ouvriers et 20% d'employés. De 1968 à 1982, malgré l'augmentation du parc immobilier privé, la population reste stationnaire et même décroît légèrement, en même temps qu'elle vieillit, ce qu'on peut attribuer à la désaffectation de nombreuses maisons anciennes inconfortables et au desserrement des ménages. Du point de vue social, on note un effondrement de la population agricole et une diminution du pourcentage des ouvriers, cependant encore nombreux à Saint-Léonard et surtout aux Justices, parallèlement au déclin des industries trélazéennes, compensé en partie par l'implantation d'une usine Motorola aux confins des Ponts-de-Cé, et en raison de la rareté des programmes de logements sociaux (Villesicard, Saint -Léonard ) dans ce secteur, sans doute liée à la valeur des terrains.

Les années 1980 et 1990 ont été marquées par une politique plus systématique d'urbanisation des quartiers du sud-est, aux dépens des dernières enclaves maraîchères et horticoles. Au nord a été construite, sur 20 hectares, la ZAC Saint-Léonard Montrejeau, à dominante pavillonnaire (300 logements). Et surtout, dans la partie sud, a été entreprise la restructuration totale du quartier des Justices, par une importante opération greffe portant sur 70 hectares, entre le carrefour des Justices et la route des Ponts-de-Cé. La ZAC des Justices, construite par tranches, a été dotée d'un nouveau centre de quartier, conçu comme une extension du vieux noeud commercial de la place des Justices et dominé par une imposante maison inter-quartiers, le Trois-Mâts. Le nouveau quartier, pris en écharpe par une coulée verte, et axé sur les nouveaux boulevards de la Marianne et de la Liberté regroupant de nombreux concessionnaires automobiles, est constitué par une mosaïque d'îlots peu denses où dominent tantôt l'habitat collectif et semi-collectif, tantôt l'habitat pavillonnaire: en tout, plus d'un millier de logements, dont un pourcentage important de HLM, et quelque 3 000 habitants.

La croissance de la population des trois quartiers au cours des années 1990 a été supérieure à 25 % et l'ensemble compte, en 1999, plus de 21650 habitants. En cette fin de siècle, les agriculteurs, évincés du territoire communal, et les ouvriers, devenus minoritaires, ont fait place aux employés, aux membres des professions intermédiaires et aux retraités.

Jacques JEANNEAU