Le jardin des Plantes

Un héritage du XVIIIe siècle

Le jardin de la société des Botanophiles

Né d’un goût prononcé du siècle des Lumières pour la botanique, c’est d’abord un terrain d’études et de recherches, avant de devenir une promenade très prisée…
Le premier jardin, si l’on exclut celui - éphémère - de la faculté de médecine, est l’oeuvre de la société des Botanophiles, fondée dans ce dessein. Le 25 avril 1777, bail est passé pour la location d’un vaste enclos ouvrant sur les rues Châteaugontier et Bressigny, à l’endroit de l’actuelle rue Béclard. Cependant, le statut du jardin est précaire, soumis aux aléas des renouvellements de bail, et l’emplacement trop exigu. Ce qu’expose au conseil de ville, en 1788, La Révellière-Lépeaux, directeur du jardin de botanique. Mais la municipalité ne seconde pas son projet et c’est à titre personnel que l’un des Botanophiles, Pilastre, achète le 4 mars 1789 aux bénédictins de Saint- Serge l’enclos des Bassins, au bas de la vallée Saint-Samson, origine du jardin des Plantes actuel.

Le premier jardin public : un jardin botanique

Eaux vives

Le terrain, vallonné, d’exposition très variée, est particulièrement favorable grâce à ses eaux vives. Le jardin ne quitte donc pas cet endroit, mais bien plutôt double de superficie. En mai 1791, Merlet de La Boulaye y donne le premier cours public et gratuit de botanique. Il rédige l’année suivante un catalogue alphabétique des plantes cultivées, où figurent un magnolia, le premier planté à Angers, et un agave d’Amérique qui, fait très rare, fleurira en 1850. La municipalité ayant acheté l’enclos et l’église Saint-Samson comme bien national pour les joindre au jardin botanique (avril 1791), Pilastre renonce à ses droits sur le terrain. Étant donné son intérêt, l’établissement est déclaré propriété nationale en 1792.

En 1796, il est annexé à l’École centrale du département (ancêtre des lycées), mais en 1805, devient municipal lorsque les bâtiments et les collections de l’École centrale supprimée sont mis à la charge de la ville. Le jardin connaît une suite de directeurs très actifs – Merlet, Bastard, Desvaux, Boreau surtout de 1838 à 1875 - qui se battent pour lui conserver son caractère de lieu d’étude, malgré la tendance de plus en plus forte à le transformer en promenade.


Par leurs publications, les directeurs attirent l’attention du monde savant sur la botanique angevine et permettent de fructueux échanges. Plus de deux mille plantes sont cultivées en 1811. Le jardin comprend deux parties : l’école de botanique dans la partie basse, les collections d’arbres étrangers et les porte-graines, traités de façon paysagère, et une orangerie flanquée de deux serres. Boreau, dont les collections forment aujourd’hui un précieux fonds au musée botanique de l’Arboretum, écrit en 1835 : "C’est un jardin scientifique pour l’introduction et la naturalisation des végétaux et pour l’enseignement. Les plantes officinales sont cultivées en assez grand nombre pour les donner gratuitement aux indigents sur billet de médecin".

 

Le jardin romantique d’Edouard André

Jardin anglais

L’agrandissement du jardin à partir de 1834 le transforme peu à peu en promenade. En 1893, l’ouverture sur le nouveau boulevard rend inéluctable sa réfection complète, d’autant que la nouvelle entrée, fermée d’opulentes ferronneries dans la tradition du parc Monceau à Paris, a entraîné la suppression d’une partie des plates-bandes. L’école de botanique est peu à peu transférée à l’école de médecine, tandis que le destin du jardin est confié à Édouard André, paysagiste réputé pour ses parcs de Monte- Carlo et de Montevideo.

Le nouveau tracé, celui du jardin actuel, est réalisé en 1905, dans le style anglais, avec petit ruisseau en cascade. Une nouvelle ménagerie est installée pour les enfants après 1945, puis une volière. Les serres sont supprimées en 1962. Le dernier agrandissement date de 1967 : 2 500 m² provenant du réaménagement du quartier Saint- Michel deviennent jardin de rocaille. Depuis 1983, le centre de congrès a remplacé l’ancien quartier Saint-Samson. Dans ce jardin bicentenaire, tout attire, distrait et réjouit la vue : les platanes centenaires (vers la rue Boreau), le Zelkova classé «arbre remarquable» (entrée place Mendès-France), l’arbre aux pochettes qui laisse tomber négligemment au mois de juin des petits «mouchoirs blancs» soyeux (près de l’aire de jeux), l’étang et sa cascade toute enrobée de couleurs chatoyantes. Abondance et diversité des scènes paysagères font de ce romantique jardin à l’anglaise un lieu qui agit comme contrepoint à l’agitation de la ville. Quatre hectares de bonheur pour ses visiteurs, au fond du vallon !

Le jardin du Mail

Un jardin de société, emblématique de la "ville des fleurs"

Le jeu de mail

Le désir de s’instruire a fait naître le jardin des Plantes ; le goût du jeu celui du Mail.

 En 1616, les échevins décident de créer un jeu de mail aux portes de la ville afin de procurer un délassement "honeste" à leurs concitoyens. Dans ce jeu, sorte de croquet, deux équipes de joueurs manoeuvrent une boule de buis, à l'aide d'un maillet, pour l'envoyer dans une direction opposée par une "passe". Un vaste espace bien égal - si possible ombragé - est nécessaire, d'où de coûteux aménagements. Par chance se présente un riche marchand de soie, Charles Gohier, pour en faire tous les frais, moyennant concession pendant quinze années. Trois longues allées bordées d'ormes sont établies, protégées des animaux par un large fossé, préfiguration de l'actuelle avenue Jeanne-d'Arc. Le 30 avril 1617, le jeu est solennellement inauguré en présence du gouverneur d'Anjou, mais sa vogue est de courte durée. Dès les années 1630, personne ne se présente plus pour y jouer.

La promenade favorite des Angevins

Du jeu… à la promenade

C'est alors que le Mail devient promenade. Ses abords sont élargis d’un avant-mail en 1672, espace qui correspond actuellement aux tilleuls proches de la rue du Quinconce. De l'autre côté, le couvent des Minimes interdisait tout pendant symétrique. En 1704- 1705, le grand Mail est entièrement replanté avec des ormes provenant d'Orléans et son entrée ornée d'arcs monumentaux. La démolition de l’ancien couvent des Minimes en 1796 fournit l’occasion de donner au premier avant-Mail son équivalent (vers l’actuelle place du Général- Leclerc). Les plantations sont confiées au maître jardinier François Leroy, fondateur d'une dynastie d’horticulteurs. En avant, vers le boulevard tracé à partir de 1809, est créé un Champde- Mars qui s'étend jusqu'au départ de la route de Paris (avenue Pasteur). À partir de 1823, le Mail acquiert encore plus d'importance : il sert de perspective naturelle au nouvel hôtel de ville installé dans l'ancien collège d'Anjou. En 1855, le Champ de Mars est creusé d'un réservoir souterrain pour l'alimentation de la ville en eau de Loire. La même année, la ville achète aux fonderies du Val d'Osne, en Haute- Marne, le modèle de fontaine jaillissante de Barbezat présenté avec tant de bonheur à l'Exposition universelle.

Un jardin de prestige

… au jardin de fleurs

Le jardin temporaire dessiné autour de la fontaine pour la sixième exposition de l'Industrie en 1858 connaît un tel succès que l'on décide la création définitive d'un jardin de fleurs à la française dans cette partie du Champ de Mars. Originale combinaison : deux entrepreneurs angevins, Trottier et Raynali, avancent les fonds nécessaires tandis que le directeur du théâtre, Rouff, propose d'y donner des fêtes dont le produit remboursera les entrepreneurs. Le jardin est prestement réalisé sur les plans de l'architecte Bibard et grâce aux instructions de l'horticulteur André Leroy, petitfils du précédent, qui offre les arbres (dont quatre beaux magnolias). Le 15 mai 1859, le nouveau jardin est ouvert au public. Succès immédiat : tous les Angevins s'y donnent rendez-vous. Aussi est-il l'objet de tous les soins :
kiosque dodécagonal (12 côtés) élevé en 1877, statues de Mathurin Moreau et du baron de Chemellier (ces dernières, victimes d’un vol, ont été remplacées), lions en fonte offerts par le philanthrope A. Hérault qui légua toute sa fortune à la ville.


Mais à quelques pas de cet endroit si bien fleuri, l'allée du Mail offrait un contraste saisissant. Elle était encore bordée en 1884 de profonds fossés nauséabonds. Ils sont comblés en 1887, l'allée est replantée en platanes quatre ans après. Baptisée avenue Jeanne-d'Arc, ses 625 mètres de long sont encore prolongés en 1897 - jusqu'au chemin de fer - sur des terrains offerts par l'industriel Julien Bessonneau. Le square qui la termine, orné d'une statue de Jeanne d'Arc en 1909, met un terme à l'histoire commencée en 1616. Aujourd’hui, les jardiniers de la ville font chaque année de ce jardin un véritable musée de la fleur. Plus de 40 000 plantes sont nécessaires pour renouveler ce décor au printemps et en été.


Sylvain Bertoldi, Conservateur en chef des Archives d'Angers

2002

Découvrez et visitez…

• le Jardin des Plantes
Place Mendès-France
Ouvert dès 8 h 00 toute l'année.

Horaire de fermeture variable selon les saisons :
- 18 h : 01/01 au 15/02 et du 31/10 au 31/12
- 19 h : du 16/02 à fin mars et du 01/10 à fin octobre
- 19 h 30 : fin mars au 30/04 et du 16/09 au 30/09
- 20 h : 01/05 au 15/09

• le Jardin du Mail
Boulevard de la Résistance-et-de-la-Déportation
Accès libre

Renseignements