L’étude et la restauration du portail de la cathédrale d'Angers

En 2009, à la suite d’un nettoyage du portail de la cathédrale qui révèle la présence de très importantes polychromies*, un comité scientifique est mis en place par la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), maître d’ouvrage. Une campagne de recherches est alors lancée. Elle s’oriente vers deux directions principales : d’une part les altérations de la pierre et, d’autre part, une polychromie ancienne très rare qui ne peut être observée en France qu’à la cathédrale de Reims et à celle de Senlis. Les études et analyses sont réalisées par le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) et par des restaurateurs de sculptures et de peintures murales.

L'altération de la pierre

L’observation in situ de la pierre révèle des désordres importants dans la partie inférieure (soubassements et statues-colonnes) tandis que la partie supérieure (tympan et voussures) est dans un bon état général. Le ruissellement sur les parois et les remontées capillaires sont les principales causes des désagrégations, qui ont été stoppées, en partie haute, par la restitution en 1995, d’un arc formeret* doté d’un chéneau en plomb. Une première restauration du portail par Antoine-Laurent Dantan entre 1838 et 1842 laisse penser que la partie basse du portail avait déjà subi des altérations importantes. Trente-quatre figures sont en effet à nouveau sculptées à cette époque dont les têtes de plusieurs statues-colonne. Parallèlement, des bureaux d’études spécialisés se penchent sur les métaux présents dans le portail. Pour fixer ses sculptures, Dantan utilise en effet des tiges métalliques pour maintenir la pierre. Ces goujons, surdimensionnés, ont parfois gonflé sous l’effet de l’humidité et ont fait éclater les sculptures. Une détection systématique des métaux et une analyse de leur composition sont donc effectuées. Pour chaque élément sculpté du portail une stratigraphie* est réalisée. Elle permet de relever précisément, comme en archéologie, les différentes couches de polychromie qui viennent, avec le temps, se superposer. Les observations réalisées in situ sont complétées par des prélèvements analysés par des laboratoires spécialisés.

La polychromie du portail

L’étude des décors peints conservés montre l’existence de deux principales campagnes réalisées aux XIIe et XVIIe siècles. Aujourd’hui, 40% environ du portail est couvert par les peintures du XIIe siècle et 30 % de la totalité par celles du XVIIe siècle. Au XIIe siècle, trois couleurs principales sont utilisées : le bleu, le rouge et le jaune qui alternent pour les fonds et les vêtements. Les couleurs sont posées sur une couche de préparation de blanc de plomb. Le rouge provient du vermillon parfois recouvert d’une laque, le bleu du lapis-lazuli, le noir de charbon de bois broyé avec un liant riche en plomb. Les dorures sont également présentes dans les voussures : sur les ailes et les cheveux des anges ainsi que sur les auréoles et les couronnes des vieillards. La feuille d’or est alors placée sur une feuille d’étain avant que cette dernière ne soit montée sur la sculpture. Le lapis-lazuli, pierre semi-précieuse, ainsi que la dorure, démontrent toute la richesse de la commande ainsi que la maîtrise technique des artisans. 

En 1629, une partie du portail - la partie gauche du tympan, en particulier les évangélistes Matthieu et Marc - détruite par la foudre en 1617, est reconstruite tandis que l’ensemble du portail est repeint. Les couleurs sont alors modifiées, en particulier les éléments du tympan. Les analyses ont montré que la préparation du XVIIe siècle était de couleur ocre.

Vers quelle restauration?

Entre le XIIIe siècle et le XIXe siècle, le portail est protégé par un profond porche qui longe toute la façade de la cathédrale. C'est en partie grâce à cette construction que le portail a pu être aussi bien conservé. Actuellement, les effets désastreux du ruissellement et l'absence de produits performants pouvant protéger efficacement les sculptures peintes posent le problème de la future protection du portail et montrent la nécessité de construire une nouvelle architecture. Déjà en 1910, Roger Josserand établissait un premier projet de restitution d'un porche. Un sondage archéologique du parvis va être réalisé à l'automne 2015 pour connaître l'emprise exacte de l'ancienne galerie. Parallèlement, une étude climatique est programmée à la rentrée 2015. Son objectif est de connaître les conditions environnementales du portail. Des capteurs mesurant la température, l'humidité relative et les vents seront placés à cet effet à plusieurs endroits du portail et de la façade et permettront de modéliser le climat et de guider la future construction. Une fois les conclusions des experts validées par le comité scientifique, les travaux de restauration débuteront en 2016, sous la maîtrise d'oeuvre de Gabor Mester de Parajd, architecte en chef des monuments historiques. La restauration prendra en compte les interventions précédentes, en particulier celle du XIXe siècle, dans le respect de la charte de Venise selon laquelle " les apports de toutes les époques à l'édification d'un monument doivent être respectés ".

Glossaire

Polychromie : état de ce qui a diverses couleurs.

Arc formeret : arc situé à l’intersection de la voûte et du mur porteur.

Chéneau : canal servant à évacuer les eaux de pluie.

Stratigraphie : étude dont l’objectif est de déterminer le nombre de couches superposées présentes sur un objet.

 

Emeric Chartrain, Assistant documentaire, service Ville d’art et d’histoire, ville d’Angers
Clémentine Mathurin, Conservatrice des monuments historiques, DRAC des Pays-de-la-Loir
 2015